Le drapeau franco-albertain : symbole de la fierté francophone

Le drapeau franco-albertain a été créé en 1982. Il est né d’une initiative de Francophonie jeunesse de l’Alberta qui avait organisé un concours pour trouver un emblème pour la communauté francophone. Le drapeau est l’oeuvre de Jean-Pierre Grenier. Le dévoilement officiel du drapeau a été fait lors du congrès annuel de l’Association canadienne-française de l’Alberta le 6 mars 1982.

Le bleu du drapeau représente la population albertaine et le blanc, la communauté francophone. Les deux fleurs, l’églantine sauvage et la fleur de lys, symbolisent l’Alberta et la francophonie. Les deux bandes obliques qui traversent le drapeau représentent les routes et les cours d’eau empruntés par les ancêtres venus explorer l’Ouest canadien.

Selon les données linguistiques du Recensement 2016 dévoilées par Statistique Canada, 88 220 Albertains ont le français comme langue maternelle, ce qui constitue une hausse de 8,8% depuis 2011 et de 28,9% depuis 2006. Par ailleurs, 268 640 Albertains ont la capacité de soutenir une conversation en français, comparativement à 238 770 en 2011.

Le 14 juin 2017, le gouvernement de l’Alberta adoptait une première Politique en matière de francophonie dans laquelle il « reconnait les contributions économiques, culturelles et sociales qu’a apportées et que continue d’apporter la population d’expression française à la province ». La Politique reconnait aussi le drapeau franco-albertain comme l’emblème du groupe culturel francophone, symbolisant sa distinction et sa contribution à la diversité albertaine (Emblems of Alberta Act).

Depuis 2009, la grande famille de l’ACFA coordonne les cérémonies du lever du drapeau franco-albertain partout à travers la province le 1er vendredi du mois de mars annuellement. Sous le thème  « Le ciel sera bleu, blanc, rose! », cette cérémonie protocolaire veut souligner la contribution passée et actuelle d’une société francophone dynamique et en pleine effervescence, ancrée partout en Alberta.

Dans chaque région, la programmation de l’évènement comprend le lever du drapeau franco-albertain, les discours des invités spéciaux, l’hymne national, ainsi que plusieurs surprises à saveur locale. Les écoles francophones et d’immersion française sont invitées à participer à cet évènement d’envergure provinciale, afin que leurs élèves témoignent de leur identité francophone ou partagent leur passion pour le fait français. Le drapeau franco-albertain est un emblème important de notre francophonie. Voilà donc une excellente occasion de le célébrer et de démontrer notre fierté francophone.

Révolution tranquille franco-albertaine

Dans les années 1960, le Canada français affirme un programme politique d’autonomie dans la politique, l’économie et la culture. Le Québec en particulier affirme une vision nationaliste interne à sa province sous le slogan “Maitres chez nous”. Le gouvernement fédéral réagit en lançant une Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme afin de faire enquête sur les relations entre les deux grandes langues publiques canadiennes: l’anglais et le français. En Alberta, un nouveau vent souffle en éducation et dans la vie politique.

Éducation

Après presque 80 ans de suppression de l’enseignement français, les années 1960 représentent le début de l’assouplissement des règlements en éducation. En avril 1968, le gouvernement albertain autorise l’enseignement en français pendant la moitié de la journée scolaire. En 1976, la province permet l’utilisation du français comme langue d’enseignement pendant 80 % de la journée. De 1968 à 1982, un nombre toujours grandissant de jeunes élèves anglophones vont étudier le français dans les 27 écoles bilingues de l’Alberta qui seront désignées comme écoles d’immersion française. Ces mesures redressent l’enseignement de la langue, mais pas le passage de la culture. Les élèves francophones doivent attendre le rattrapage des élèves apprenant le français pour la première fois.

Charte canadienne des droits et libertés

En 1982, le gouvernement canadien rapatrie la constitution canadienne et y insère la Charte canadienne des droits et libertés. À l’article 23, on garantit trois droits : le droit à l’instruction dans la langue de la minorité, le droit aux établissements d’enseignement et le droit à la gestion de ces établissements.
Mais l’interprétation de ce que veut dire ces droits diffère entre les francophones et les autorités gouvernementales et scolaires. En 1983, un groupe de parents sous la bannière de l’Association de Georges et Julia Bugnet décide de poursuivre la province de l’Alberta. En même temps, l’école non-confessionnelle privée Georges et Julia Bugnet ouvre ses portes à Edmonton. Un groupe de parents forme un comité ad hoc dans le but d’obtenir une école française catholique publique. Donc, l’école Maurice-Lavallée à Edmonton et l’École Saint-Antoine à Calgary sont ouvertes en 1984 et l’école Héritage à Jean-Côté en 1988. Avec la victoire dans le cas Mahé/Bugnet devant la Cour suprême du Canada en 1990, plusieurs écoles s’ouvrent partout en province. La décision Mahé/Bugnet confirme les droits énumérés ci-haut, et affirme la gestion des écoles pour et par les parents ayant ces droits. Plusieurs années de conflit et de négociation aboutissent avec l’amendement de la Loi scolaire comme première loi introduite par le nouveau Premier ministre Ralph Klein en 1993. En date de 2017, il y a 40 écoles francophones en Alberta desservant plus de 7 000 élèves et gérées par quatre conseils scolaires.

Le français et la politique

En 1964, l’Assemblée législative adopte l’incorporation de l’ACFA qui fait de cette association la porte-parole officielle de la francophonie albertaine. En 1981, le père André Mercure affirme devant les tribunaux que l’article 110 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest est toujours en vigueur en Alberta, voulant dire que l’Alberta est tenue au bilinguisme judiciaire et législatif. En attendant une décision, le député provincial franco-albertain Léo Piquette fait les manchettes en posant une question en français à l’Assemblée législative à la ministre de l’Education Nancy Betkowski. Le président de l’Assemblée, David Carter, lui dit les mots iconiques : « En anglais s’il-vous-plait! ». Plus de 500 personnes de tout âge et de chaque région manifestent leur soutien envers M. Piquette devant le palais législatif. Un comité d’étude est mis sur pied et décide de permettre l’utilisation de toutes les langues y compris le français en attendant le résultat de la Cour suprême du Canada. Le 25 février 1988, la Cour suprême du Canada décide que l’article 110 est toujours en vigueur, mais que la province peut adopter une loi pour renverser l’obligation, ce qu’elle fait le 7 juillet avec la Loi linguistique de l’Alberta qui rend l’anglais la seule langue officielle. On adopte une procédure à l’Assemblée législative que le français peut être utilisé dans la législature si on donne un préavis de deux heures et qu’une traduction anglaise soit remise aux députés. En 2015, M. Gilles Caron oblige la Cour suprême de revoir la légalité de la Loi linguistique de 1988 et la Cour suprême affirme le statu quo. Finalement, en juin 2017, le gouvernement albertain adopte une Politique en matière de francophonie, reconnaissant les langues officielles du Canada, la communauté francophone de l’Alberta et l’importance d’offrir des services en français là où le besoin se manifeste.