Les francophones de cette époque se sont établis avec la pleine attente de jouer un rôle de premier plan dans la vie économique et politique de l’Alberta. Des commerçants, hôteliers et banquiers des noms de Gagnon, Larue, Picard, Gariépy, Révillon, Prince, Brosseau, Lemarchand, et bien d’autres s’établissent aussitôt que 1883. Un corps de professionnels très influent s’établit également. Charles Borromée Rouleau est nommé parmi les quatre premiers magistrats pour les Territoires du Nord-Ouest. Son frère médecin Dr. Édouard Rouleau était très impliqué dans la vie civique de Calgary. M. Georges Roy est le premier régisseur des terres à Edmonton et fondateur de plusieurs organismes francophones dans les années 1880. Dr. Philippe Roy à Edmonton était également un médecin et leadeur important à Edmonton. À Saint-Albert, Antonio Prince était le premier Canadien français élu au conseil territorial en 1891 pour Saint-Albert, succédant au Métis Samuel Cunningham. Plusieurs députés francophones ont été élus aux assemblées territoriale, provinciale, fédérale et plusieurs sont nommés au sénat dans les décennies qui ont suivi.
Missions
Plusieurs missions franco-catholiques ont été établies des années 1840 jusqu’aux années 1880. Une mission composait typiquement d’une église et paroisse, ensuite on introduisait souvent une école. Dans quelques exemples, on a ouvert un hôpital, un orphelinat, ou même un centre de soins pour personnes âgées. Les Oblats de Marie-Immaculée ont fondé les missions établies après 1847, mais ils s’appuyaient lourdement sur les ordres religieux tels que les Soeurs Grises, les Soeurs de l’Assomption, les Soeurs de la Charité de Notre Dame d’Évron, les Fidèles Compagnes de Jésus et les Filles de la Croix pour réussir. Ces missions ont constitué la base des communautés métisses et francophones en Alberta, tels qu’à Saint-Albert, Saint-Paul, Lac La Biche, pour nommer quelques-unes.
Confédération
L’Alberta est devenue une province canadienne en 1905, mais elle s’est jointe au Canada comme partie des Territoires du Nord-Ouest (TNO) en 1870. Le gouvernement provisoire de Louis Riel a négocié l’entrée en confédération du Manitoba et des TNO muni d’une Proclamation royale (1869) pour la protection de droits linguistiques, religieux et à la propriété acquis et existants dans la grande région. L’article 110 a été ajouté à la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest a été amendée en 1877 pour le bilinguisme législatif et judiciaire du territoire. Mais en 2015 dans la décision Caron, la Cour suprême du Canada a jugé que gouvernement de l’Alberta n’est pas tenue à respecter ces droits parce qu’ils n’ont pas été inscrits explicitement dans la Loi sur l’Alberta en 1905.
Colonisation
La mission de Saint-Albert (déménagée de Lac Saint-Anne) est la première colonie non-fortifiée albertaine et elle a été fondée par les Métis qui se sont établis sur des lots de rivière adjacents à la rivière Esturgeon et les Canadiens français qui se sont joints par après. La colonisation francophone a pris de l’ampleur après 1870. Les frères Lamoureux étaient parmi les premiers d’une vague de colons francophones venus en Alberta de 1870 à 1920. Malgré les attentes élevées envers le Québec d’envoyer des colons en grand nombre, un très grand nombre de colons francophones dans cette période sont venus des États-Unis et de l’Europe. Vers 1885, le français était la langue de la plupart des résidents non-autochtones au nord de l’Alberta, mais par 1916, ils n’étaient que 5% de la population. Aujourd’hui, les francophones forment un peu plus que 2% de la population, même le nombre brut de parlants Français augmente de beaucoup et l’Alberta se classe au troisième rang en termes de population francophone provinciale la plus grande à travers le Canada.
Voyageurs canadiens-français
Au 17e siècle en Nouvelle-France, une classe d’entrepreneurs a émergé communément appelée des voyageurs. Ils ont été embauchés pour voyager comme guides, transporteurs et pagayeurs. Un voyageur typique était court, fort et d’origine canadienne-française. Ils portaient des chapeaux de fourrure ou des tuques rouges, des jambières et des mocassins en peau de chevreuil, un manteau à capuchon et une ceinture utile tissée dans un motif fléché. Les voyageurs étaient essentiels à l’exploration et au commerce, et ils étaient les piliers de la Compagnie du Nord-Ouest en particulier. Les brigades de canots de voyageurs parcouraient souvent douze heures par jour sur des milliers de kilomètres en chantant pour régler le rythme des pagaies. Lorsque les rivières étaient impraticables, ils transportaient leurs canots et leur cargaison sur des terrains dangereux dans ce qu’on appelait des portages. Éventuellement, ils passaient l’hiver dans le Nord-Ouest, devenant ainsi les premiers francophones à mettre pied dans l’Ouest canadien. Les hivernants ou même les hommes libres (sans obligation contractuelles) et leurs relations avec les Premières Nations finiraient par donner naissance à un nouveau peuple autochtone distincte — la nation métisse.
La nation métisse
Les commerçants anglais et les voyageurs et engagés français ont utilisé différentes méthodes pour se procurer de biens auprès des Premières Nations. La Compagnie de la Baie d’Hudson avait tendance à construire de grands avant-postes fortifiés sur la Baie d’Hudson pour accueillir les délégations qui leur apportaient des fourrures. Tandis que les voyageurs Canadiens et les Français plongeaient plus loin à l’intérieur du territoire et établissaient des liens diplomatiques et économiques avec les bandes des Premières Nations. Il était assez courant pour un voyageur de s’établir pour l’hiver et de marier une femme autochtone “à la façon du pays” qui restait dans sa communauté pour élever leurs enfants. Ils apprenaient les savoirs traditionnels de la mère et l’instruction religieuse et linguistique par l’influence du père. Graduellement, ces relations ont donné naissance à une nouvelle génération de personnes avec une identité métissée hybride mais unique et distincte. Dans l’exemple de la langue, un Métis pourrait parler le nehiyawawin (cri) ou l’ojibwé, le français, ou un amalgame nommé le Michif. Éventuellement, une nation métisse multilingue et diversifiée, dotée d’un programme politique et économique distinct et inhérent a émergé. Le Métis le plus célèbre de l’histoire est Louis Riel, pendu pour trahison après avoir introduit le Manitoba et le Nord-Ouest au Canada dans une tentative de protéger les droits linguistiques, religieux et de propriété des Métis franco-catholiques.
Missionnaires
Au fur et à mesure que le commerce des fourrures et la colonisation prenaient de l’ampleur, l’Église catholique s’est donnée pour mission de maintenir les Catholiques sur la bonne voie et de convertir les peuples autochtones à leur foi. Les premiers missionnaires dans l’Ouest furent les pères Provencher et après de multiples supplications de la part de Canadiens libres comme Joseph Cardinal pour les prêtres des environs du Lac La Biche et d’Edmonton pour administrer les sacrements, les Pères Modeste Demers et François-Norbert Blanchet sont passés dans ces régions en 1838 et ont confirmé la forte demande en célébrant de nombreux baptêmes et mariages. Le Père Jean-Baptiste Thibault fut envoyé en 1842 et il établit la première mission catholique en Alberta en 1844 au lac Saint-Anne. Même si les premiers missionnaires en Alberta n’étaient pas associés à un ordre religieux, les Oblats de Marie-Immaculée étaient les missionnaires catholiques les plus nombreux.
Peuples autochtones
Depuis temps immémorial, c’est à dire, dès que l’habitation du territoire que l’on nomme aujourd’hui Alberta fut possible, des sociétés autochtones y ont demeuré. Leurs descendants ont formé des nations ayant pour noms : Nehiyaw (Cris), Déné, Tsuu T’ina (Sarcee), Siksika (Pieds-Noirs), Nakoda et Chipewyan, etc. Nombre d’entre elles assistèrent à la venue des Français. Ils tissèrent des liens commerciaux, diplomatiques, mais aussi de parenté. Puis, au 19ième siècle, vint la période de colonisation massive d’Européens en Alberta et sur les Prairies au cours de laquelle des traités numérotés furent signés liant les nations autochtones et le gouvernement canadien. L’Alberta se trouve sur les territoires des traités 6, 7 et 8. Ils permirent à ce dernier de s’emparer sans accroc des terres qu’il destinait à la colonisation. Cette colonisation fut appuyée par une politique d’assimilation culturelle des nations autochtones dont les fers de lance furent l’acculturation et la coercition économique. Cette violence exercée à leur endroit fut dévastatrice. Toutefois, fortes d’une reconnaissance de leurs droits et des torts qui leur ont été faits, ces nations s’affirment davantage aujourd’hui et rétablissent leurs pratiques culturelles ancestrales.
Nouvelle-France
Les Européens ont prélevé des ressources primaires le long du littoral atlantique nord-américain depuis un millénaire. Leur implantation permanente sur les territoires canadien et américain remonte véritablement au XVIIe siècle. Elle fut rendue possible grâce à des alliances militaires et commerciales conclues avec des nations autochtones présentes. Ainsi, les Français s’établirent en Nouvelle-France, en Acadie et en Louisiane. En 1731, les La Vérendrye et leurs successeurs entamèrent une suite d’explorations de l’Ouest qui les mena selon toute vraisemblance jusqu’au Montana et au Wyoming. La zone d’influence de la France s’établit sur un territoire s’étendant de la vallée laurentienne et des Grands Lacs jusqu’au golfe du Mexique et de là jusqu’aux confins méridionaux de l’Alberta. La guerre de Sept Ans fit impasse sur leurs ambitions de découverte. Les Français durent se replier vers la vallée laurentienne. Les défaites de Québec en 1759, puis de Montréal en 1760 mirent fin à la présence de la France au Canada. Les Français nés ou demeurés au pays seront dès lors connus sous le vocable « Canadiens ». Ce nom sera par la suite adopté par les Anglais habitant au pays.
Traite de fourrures
Avant l’établissement des premiers postes de traite sur le territoire albertain, les fourrures étaient acheminées par les autochtones vers les établissements de commerce situés plus à l’est comme au sud. Ils ont pu ainsi se familiariser avec les pratiques commerciales européennes et faire l’apprentissage des rudiments de la langue des commerçants. Bien que la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH) ait établi un monopole sur le commerce en 1670, ce n’est qu’en 1754 qu’elle a mandaté Anthony Henday d’aller explorer le potentiel commercial que pouvait offrir la région de la rivière Saskatchewan Nord. Il a fait la rencontre du chef nehiyaw de Maskwacis nommé Wapinesew dont il révéla le surnom : « leader français ». Après la Conquête, les commerçants canadiens formèrent des compagnies et reprirent la route de l’Ouest. Leurs voyageurs canadiens essentiellement de langue française se sont répandus par milliers le long des voies d’eau du réseau hydrographique canadien. En 1778, la puissante Compagnie du Nord-Ouest contesta le monopole de la CBH. Elle édifia des postes de traite sur les rivières Athabasca, la Paix, Saskatchewan-Nord et Sud. En guise de riposte, la CBH établit fort Edmonton (1795), Rocky Mountain House (1799) et Fort Dunvegan (1805). La concurrence devenant fortement préjudiciable aux deux grandes compagnies, celles-ci ont fusionné en 1821 sous la bannière de la CBH laquelle conserva son monopole jusqu’à l’entrée du Nord-Ouest dans la Confédération en 1870.